"Ainsi j'ai découvert "le voyage" : cette lisière qui recule à mesure que l'on avance, où le monde et le regard se façonnent mutuellement."
Le monde Intervalle, page 102
"Je voudrais disparaître entre deux bols de saumure, rester un an à vivre ici. Le temps d'apprendre à marcher d'un pas léger sur ce plancher infime. Me trouver une claire-voie pour y planter ma brosse à dents, boire le thé avec les grand-mères autour de ce feu allumé au cœur d'une maison de brindilles... Et comprendre ainsi, subrepticement comment on vit sans serrures ni placards, avec ces parois insoupçonnables, ayant si peu à soi qu'on le voit dépasser du maillage, comme cette barrette qu'une jeune fille décroche de ses cheveux pour l'agrafer au-dessus d'un fragment de miroir, entre deux pailles, où son "il plonge un instant."
Le monde Intervalle, page 116
"Le pire serait de ne pas tenter l'impossible et rester une vie entière à la mesure de ce que l'on peut."
Christiane Singer
"Combien existe-t-il encore de peuples qui osent aujourd'hui s'adresser à une plante à voix haute ? Tu réveilles une mémoire ancienne, ranimes dans la parole ce mélange de prière et de magie, caché dans les ourlets de la langue, à ses zones de lisière. Cette force d'incantation, ce souffle d'inattendus. Ce désir immodéré d'être entendu par les arbres et les pierres. De revenir au monde. De l'honorer."
Enfance d'un chaman, page 24
"En même temps que je découvre ce bain amniotique du verbe, qu'il existe dans la tiédeur des tropiques, quelques endroits encore où le conte a les os frais, surgit l'effroyable menace et pour ta forêt et pour l'homme que tu es d'un silence absolu. La tentation est grande de se laisser fasciner, dévaster, par la représentation du désastre. Heureusement il y a le chant."
Enfance d'un chaman, page 28